Enquête réalisée par Toluna Harris Interactive en ligne du 24 au 26 décembre 2024. Échantillon de 1 104 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).
Paris, le 27 décembre,
Tous les mois, Toluna Harris Interactive réalise en partenariat avec LCI un baromètre de confiance politique.
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Que retenir de cette enquête ?
Décembre 2024 voit se terminer une année politiquement singulière. Cette année a connu quatre premiers ministres, une dissolution n’ayant pas débouché sur une majorité parlementaire, de longues périodes sans gouvernement, une motion de censure adoptée…
En cette fin 2024, Emmanuel Macron voit, ce mois-ci, la confiance des Français à son égard rester relativement stable (32%, -1). Cependant le niveau de confiance envers le Président de la République ne cesse de baisser depuis le mois de septembre (-5) et atteint son plus bas niveau depuis décembre 2018, période de tensions liées au mouvement des gilets jaunes.
Comme le montre le tableau ci-dessous, l’absence de confiance dans le Président de la République a progressé de 13 points depuis fin 2022, et est passé de 29% à 42% de la population ne lui accordant pas du tout sa confiance. Quand bien même Emmanuel Macron a été réélu Président de la République.
Les personnes âgées de 50 à 64 ans ont la double singularité d’être et la seule catégorie (générationnellement parlant) à déclarer majoritairement ne pas du tout avoir confiance en Emmanuel Macron (51%) et d’être celle dont l’évolution critique est la plus notable (+18 points contre 13 points en moyenne). Relevons également que si les électeurs du Président de la République lui accordaient, un peu plus de six mois après le scrutin, très nettement leur confiance (93%), ils ne sont « plus » que 71% à adopter la même posture ce mois-ci.
Si l’on se concentre sur les électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de la dernière élection présidentielle, plusieurs dimensions structurent l’absence de confiance :
Alors que le Président de la République avait donné le sentiment d’être au clair sur sa stratégie et son ambition pour la France, quitte à ce qu’elle ne soit pas consensuelle, rejaillissent nettement des doutes. Ainsi sont spontanément évoqués « l’indécision », « le déficit d’objectifs », le « manque de stratégie », « l’absence de projet ». A ce titre, le temps pris pour nommer les premiers Ministres (Michel Barnier comme François Bayrou) renforcent ces sentiments ;
Comme attendu, la dissolution ressort nettement « il n’a pas de vrai projet pour la France, il mène sa politique à grand coup de réformes sans queue ni tête, il prend des décisions incompréhensibles (ex : dissolution de l’Assemblée) » et vient alimenter plusieurs critiques au premier rang desquelles la gestion personnelle du pouvoir « il a enchaîné les mauvaises décisions. Il est trop sûr de lui », « il n’en fait qu’à sa tête » ;
Ceci n’étant pas contrebalancé par des appréciations positives « déficit excessif », « on constate que sa politique a mené la dégradation de la France, et que les problèmes anciens ont encore empiré », « il a ruiné la France ; il a accentué le déclin moral ; sous son mandat, la France a perdu son statut international ».
Au final, auprès de cette population, « il s’est trop isolé des Français ». Sont émis « des doutes sur sa perception de la réalité des choses ». Au final, « il était bien parti dans les réformes, mais je crois qu’il perd pied ».
Certes, cette population stratégique est minoritaire, mais ses vacillements sont à considérer. Et ce d’autant plus que ses électeurs de premier tour évoquent souvent une confiance en relatif. « Le seul pour le moment », « ce n’est pas un incapable », « c’est pas Mélenchon ou Le Pen qui fera mieux », « Malgré des vents contraires, il n’a pas mal conduit la barque. Ceux qui le critiquent auraient-ils su faire aussi bien ? ». Ressort encore la gestion de la Covid « parce qu’il a aidé les Français pendant le Covid19 et a soutenu les entreprises » mais guère plus si ce n’est qu’il ferait ce qu’il pourrait dans un contexte difficile. Remarquons la très faible mobilisation d’arguments positifs de réformes (comme celle des retraites) ou encore de la nomination du nouveau gouvernement.
Récemment nommé Premier ministre, François Bayrou recueille la confiance de 32% des Français, soit 12 points de moins que Michel Barnier lors de son arrivée à Matignon. Il s’agit du Premier ministre bénéficiant du plus bas niveau de confiance lors de sa nomination parmi l’ensemble des premiers ministres d’Emmanuel Macron. Le leader du Modem bénéficie de la confiance de la majorité des sympathisants du camp présidentiel (74%) mais peine à convaincre les sympathisants de gauche, de droite et du RN, auprès desquels il recueille entre un quart et un tiers de confiance.
Le nouveau gouvernement ne semble pas susciter une adhésion marquée des Français, notamment du fait du déficit de notoriété de nombreux ministres. Renommés à leur poste, Bruno Retailleau (42%, +7) et Sébastien Lecornu (42%, +9) figurent parmi les ministres bénéficiant des plus hauts niveaux de confiance, tout comme Gérald Darmanin (41%). Phénomène unique sous la V République, ce gouvernement est également marqué par la présence de deux ex-premiers ministres, qui recueillent chacun la confiance de moins d’un tiers des Français : Elisabeth Borne (31%) et Manuel Valls (28%).
Le socle électoral d’Emmanuel Macron n’est pas tendre avec le nouveau Premier ministre. Outre les références à l’âge et au rythme de phrasé de François Bayrou (illustratifs de ses choix politiques et indécisions selon les propos spontanés des Français interrogés), la critique de la composition du gouvernement émerge avec deux dimensions :
Le fait que le message électoral n’est pas reflété dans cette équipe « reprend des anciens ministres sans tenir compte du vote », « on reprend les mêmes et on recommence » ;
L’absence d’élargissement de la base politique sur laquelle pourra s’appuyer le nouveau Premier ministre.
Notons qu’auprès de cette population, aucune focalisation sur un nom en particulier (que ce soit en positif ou négatif) ne s’effectue (que ce soit par exemple Manuel Valls ou Éric Lombard).
Fait notable : Jordan Bardella redevient la personnalité politique recueillant le plus de confiance auprès des Français (39%, +3). Le député européen recueille la confiance de 86% des sympathisants de sa famille politique soit un peu moins que Marine Le Pen (90%, +4) qui, de son côté, enregistre la confiance de 38% des Français (+3). Les deux personnalités d’extrême-droite figurent à nouveau parmi les deux personnalités politiques envers lesquelles les Français indiquent le plus faire confiance.
Notons qu’il ne s’agit pas ici d’un épiphénomène. Et quand bien même la responsable historique du RN a connu un réquisitoire sévère, quand bien même elle a participé à la censure de Michel Barnier ni elle, ni sa formation politique ne connaissent la moindre sanction d’opinion. Si nous indiquons qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène, c’est que l’évolution de la proximité politique des Français est à ce titre on ne peut plus claire.
En nous basant sur les données recueillies fin décembre de chaque année depuis la première élection d’Emmanuel Macron nous observons deux phénomènes majeurs : 1. La « banalisation » de la formation politique (quelle que soit sa dénomination) soutenant le Président de la République (14% des Français s’en déclaraient proches fin 2017, 8% aujourd’hui soit – sensiblement – le même niveau que les autres formations politiques ayant été amenées à gouverner). 2. La progression tendancielle du FN/RN avec surtout une évolution nette depuis 2022 quand bien même Marine Le Pen n’a pas été élue à la Présidence de la République. 19% des Français (1 personne sur 5 interrogée) affirment aujourd’hui que la formation politique dont ils se sentent le plus proche est une de celle se situant le plus à droite sur l’échiquier politique.
A droite, Michel Barnier apparait comme la personnalité jouissant du plus haut niveau de confiance auprès des Français (33%). Il jouit également de la confiance de 60% des sympathisants de sa famille politique, soit nettement moins que ce qui était mesuré le mois dernier lorsqu’il était encore Premier ministre (70%). Xavier Bertrand apparait toujours comme celui bénéficiant du plus haut niveau de confiance parmi les sympathisants LR, à égalité avec François-Xavier Bellamy (65%).
Il y a un an précisément, nous soulignions la progression de la confiance en Gabriel Attal (avant qu’il ne soit nommé Premier ministre) et un double mouvement de baisse de la confiance en Emmanuel Macron et de croissance dans celle en Jordan Bardella. Sur ces deux derniers points, les évolutions d’opinion se sont poursuivies. Tout se passe comme si ces mouvements n’étaient pas liés à des aspects conjoncturels mais plus à des dimensions structurelles. L’exécutif est faible d’un point de vue d’opinion. Plus faible qu’en 2023. François Bayrou « protège », d’un point de vue politique, moins que Michel Barnier le Président de la République. Et si l’on ne mesure pas de demande spontanée de démission du Président de la République, les Français demandent des perspectives. On la sait, après le mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron est parvenu à « reprendre la main » et à renouer un lien d’opinion avec les citoyens. Implicitement, il faisait savoir qu’il les avait compris. Aujourd’hui, les Français émettent des doutes sur ce point.