Sondage quantitatif en ligne auprès de 2 026 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, réalisé du 30 avril au 4 mai 2024.
La confiance des Français envers le système de santé n’en finit plus de chuter, à une vitesse plus grande encore que les années précédentes.
C’est l’un des résultats marquants qui ressort de la 3 édition du Bulletin de Santé des Français commandée par NèreS, à Toluna Harris Interactive. Comme chaque année, l’étude dresse un état des lieux des perceptions du système de santé en France et des préoccupations des Français en matière de santé du quotidien.
Outre la mise en perspective des résultats avec ceux de l’année passée, l’édition 2024 passe en revue un certain nombre de marqueurs de nouvelles tendances dans le ressenti des Français, dans un contexte toujours marqué par des enjeux de désertification médicale et de difficultés économiques. Parmi les thématiques traitées, l’état de santé global des Français, leur relation avec les professionnels de santé et leur intégration dans un parcours de santé semé d’embûches, ou encore leurs attentes et perceptions vis-à-vis des réformes engagées ou a minima envisagées par les pouvoirs publics.
Face à ces difficultés, les Français, qui déclarent une dégradation de leur état de santé, perdent confiance (-19 pts en un an), voire se désengagent du système de santé : ils sont la moitié à avoir déjà renoncé à se soigner en raison de la complexité du système de santé.
Face à ces attentes et constats, la santé sera sans doute un des chantiers prioritaires pour la nouvelle Assemblée nationale et NèreS propose des solutions efficaces pour répondre à ces défis :
- Formaliser une vision des soins de premier recours de demain et définir une stratégie globale pour améliorer l’accès ;
- Définir et promouvoir la pharmacie comme porte d’entrée pour les soins de premier recours ;
- Adopter une politique volontariste en matière de délistage sans déremboursement.
Le premier recours demeure la pierre angulaire de la santé des Français
Comme les années précédentes, plus d’un tiers des adultes français souffrent de maladies chroniques, et près de 9 sur 10 (86%) sont touchés par des maux quotidiens, à raison de 5 par an. Les pathologies les plus courantes demeurent inchangées par rapport à 2023, à savoir la fatigue (41%), les maux de tête (34%), les problèmes de sommeil (28%), le rhume / état grippal (28%), ainsi que les douleurs articulaires (26%) et musculaires (26%).
Les Français inquiets de leur état de santé mentale et physique
En 2024, malgré des maladies chroniques et maux du quotidien similaires en nombre à l’année dernière (respectivement 38% et 86% vs 37% et 88% en 2023), les Français ressentent une nette dégradation de leur santé. Elle concerne aussi bien la santé physique, qui s’est détériorée pour 27% d’entre eux au cours de l’année écoulée (+8 pts vs 2023), que la santé mentale (26%, +4 pts vs 2023). L’évolution est telle qu’aujourd’hui seuls 15% des Français s’estiment être en très bonne santé (-4 pts vs 2023) – une proportion qui est légèrement supérieure chez les jeunes et les plus aisés.
Désormais 2 Français sur 5 se déclarent fortement préoccupés par leur état de santé, notamment au sein des populations les plus vulnérables : celles atteintes de maladies chroniques, en situation de handicap, et dont l’état de santé physique et/ou mental s’est détérioré au cours de l’année écoulée.
Un manque de repères dans le parcours de santé allant jusqu’au renoncement aux soins
En 2024, plus que jamais, accéder à un professionnel de santé rime avec difficultés. Plus de deux tiers des Français (68%) déclarent qu’il leur est difficile d’accéder à un professionnel de santé, avec une fois encore des tendances plus accentuées selon les marqueurs sociaux : les inactifs (74%), les seniors (78%) et les habitants des zones rurales (73% vs 59% dans les grandes villes).
A titre d’exemple, 29% des personnes interrogées considèrent difficile d’accéder à un médecin généraliste (+ 5 pts vs 2023).
Face à ces difficultés, les réactions à l’apparition de maux quotidiens sont variables : pour une majorité (56%) de répondants, le 1 réflexe est l’automédication, c’est-à-dire la prise d’un ou plusieurs médicaments disponibles sans ordonnance. Si beaucoup affirment consulter le médecin (44%) ou le pharmacien (40%), 36% d’entre eux ignorent ses symptômes et renoncent à se soigner…
Ces difficultés rencontrées sont aussi révélatrices de changements plus profonds dans le rapport qu’entretiennent les Français avec leur médecin, en témoigne la part de plus en plus faible de sondés ayant déclaré un médecin traitant à l’Assurance Maladie (85% soit -3 pts vs 2023, -10 pts vs 2022 !).
On constate également un éloignement du système de santé pour une part croissante des Français (alors même qu’ils déclarent que leur santé se dégrade) : près de 40% des Français (+4 pts vs 2023) se sont rendus chez un médecin 1 fois au cours des 12 derniers mois voire moins. Cet éloignement conduit à des parcours de soins pour les maux du quotidien plus erratiques : 24% des Français se sont rendus aux urgences au cours des 12 derniers mois pour des maux du quotidien (+3pts vs 2023) et cette proportion atteint 46% parmi les patients qui se sont rendus une fois chez leur médecin généraliste ou moins au cours des douze derniers mois.
Ce recours accru aux urgences n’est pas associé à une incapacité des Français à distinguer les maux du quotidien d’un problème de santé plus grave puisqu’ils sont 73% des Français à savoir faire cette distinction. Cette proportion monte même à 85% parmi ceux qui ont consulté les urgences à plusieurs reprises pour des problèmes de santé courants au cours des 12 derniers mois.
Dès lors, comment expliquer ces parcours : sans doute par la complexité toujours croissante du système de santé. C’est en tout cas leur ressenti : 72% d’entre eux estiment que le système de santé au global est difficile à comprendre (+3pts vs 2023), et 65% avouent avoir des difficultés à s’orienter et à savoir à qui s’adresser en cas de problèmes de santé (+7pts vs 2023).
Ces questionnements et incompréhensions ont aujourd’hui des conséquences sérieuses, puisqu’en 2024, la complexité du système de santé a conduit 50% des Français à renoncer à se soigner, un chiffre en augmentation de 5 pts par rapport à 2023. Là encore, les plus touchés sont les plus vulnérables : cette proportion augmente chez les personnes à faibles revenus à 61% et chez ceux dont la santé physique et/ou mentale s’est détériorée à 59%.
« Face à la difficulté pour plus d’une personne sur deux à trouver un médecin généraliste en 24h pour traiter des maux du quotidien, et dans un contexte de saturation des urgences, il est essentiel de rappeler qu’il existe des professionnels de santé plus disponibles comme le pharmacien, que 91% des Français jugent facile d’accès, et qui constitue selon eux une alternative efficace pour prévenir les maux du quotidien (89%), les soigner (89%), et les orienter vers un professionnel de santé adapté (88%) » rappelle Luc Besançon, Délégué Général de NèreS.
Les Français sont en outre favorables à un élargissement des missions des pharmaciens, notamment avec le dépistage de maladies (76%) et la réalisation de consultations pour des affections courantes telles que les maux de tête, les courbatures et les problèmes digestifs (83%).
La téléconsultation, fausse bonne idée ? Jugée utile par 84% des Français l’ayant déjà pratiquée au moins une fois, la téléconsultation pourrait apparaître comme une solution efficace à même de fluidifier le parcours de soins. Toutefois, on peut noter que seuls 14% des utilisateurs de la téléconsultation n’ont pas de médecins traitants (contre 11% pour la population en général) et qu’ils sont 43% à consulter rarement un médecin généraliste (contre 39% pour la population en général). Par ailleurs, le recours à la téléconsultation n’est pas associé à un moindre recours aux urgences : 43% des personnes ayant eu une téléconsultation se sont également rendus aux urgences au cours des 12 derniers mois (contre 24% pour la population en général).Si plus de la moitié des utilisateurs de la téléconsultation la font à domicile, principalement en raison de l’impossibilité de trouver un rendez-vous chez le médecin (45%), 30% ont effectué une téléconsultation dans une pharmacie. Ainsi, les pharmaciens peuvent servir de premier point de contact pour les patients avant une téléconsultation médicale. A travers une première analyse des besoins des patients, ils peuvent ainsi les rediriger vers le professionnel de santé approprié (par téléconsultation ou en présentiel) ou recommander des produits de premier recours adaptés. La Cour des Comptes a souligné l’importance de filtres préalables à la téléconsultation pour garantir une prise en charge adéquate. |
Redonner aux Français la confiance dans le système de santé, la délicate mission des pouvoirs publics
C’est le principal enseignement de l’édition 2024 du Bulletin de Santé : seuls 65% des Français ont encore confiance dans le système de santé français, là où ils étaient 84% en 2023 (-19 pts). Cette chute vertigineuse, en une seule année, est en réalité en phase avec le reste des indicateurs du lien qui s’effrite entre les Français et leur système de santé. 61% des Français estiment qu’il s’est détérioré au cours des 10 dernières années (+ 3 pts vs 2023 et + 9 pts vs 2022) et 54% d’entre eux estiment qu’il fonctionne mal. Plus inquiétant encore, les Français ne croient pas en un possible renversement de la situation, puisque 59% se déclarent pessimistes quant à la capacité du système de santé à s’améliorer et à répondre aux besoins futurs des citoyens. 63% considèrent même que l’accès à des soins de qualité sera rendu plus difficile pour plus de personnes à l’avenir.
L’action des pouvoirs publics est sévèrement jugée au regard des nombreux enjeux de santé publique. A titre d’exemple, si la quasi-totalité des Français (92%) estiment que la prévention en santé est importante, à peine 49% estiment que la politique gouvernementale y accorde une place suffisante. Les citoyens ont une forte attente en matière des réformes : 70% d’entre eux estiment que l’Etat n’a pas suffisamment mis en place de réformes à même d’améliorer le système de santé en France. Pour autant, il ressort que ces réformes doivent répondre à une double injonction.
Elles doivent en premier lieu être compréhensibles par tous, là où la majorité des précédentes mesures ont souffert d’un déficit de notoriété plus ou moins flagrant, la grande majorité des Français n’ayant jamais entendu parler des bilans de santé préventifs, de la création des Infirmiers de Pratique Avancée (IPA), des Services d’Accès aux Soins (SAS) ou encore des Contrats Locaux de Santé (CLS).
Elles doivent ensuite être en phase avec les attentes prioritaires de la population, qui considère la lutte contre les déserts médicaux comme devant être la priorité numéro 1 du gouvernement pour 46% d’entre eux, devant la réforme de l’hôpital (27%) ou encore la lutte contre les pénuries de médicaments (25%).
Les recommandations de NèreS pour améliorer les soins de 1 recours en phase avec celles de la Cour des Comptes
Fort de ces constats, NèreS, comme les années précédentes, a formulé des propositions qui visent à résoudre les différents dysfonctionnements soulignés par l’enquête. Ces recommandations résonnent tout particulièrement avec les conclusions du rapport de la Cour des Comptes publié en mai 2024 sur l’organisation territoriale des soins de premier recours.[1]
Proposition 1 – Formaliser une vision des soins de premier recours de demain et définir une stratégie globale pour améliorer l’accès
Cette stratégie doit répondre à trois critères impératifs :
- L’amélioration de l’accès aux soins, en intégrant et s’appuyant sur le continuum du premier recours, depuis l’automédication responsable des patients, le parcours de soins officinal, les médecins généralistes jusqu’aux urgences. NèreS propose de structurer une stratégie visant à améliorer l’accès aux soins pour tous les Français, en s’assurant que chaque individu puisse accéder rapidement et facilement aux soins nécessaires ;
- Le caractère compréhensible des réformes: NèreS propose une stratégie de communication visant à rendre les réformes lisibles et compréhensibles par tous, en expliquant clairement les changements et les bénéfices attendus. Cette transparence renforcera la confiance des Français dans le système de santé et les encouragera à utiliser les ressources disponibles de manière plus efficace.
- La pérennité du système économique de la santé: une stratégie efficace doit tenir compte des enjeux économiques actuels, ce qui inclut la gestion des ressources humaines, la répartition des professionnels de santé sur le territoire et l’utilisation optimale des technologies de la santé. En phase avec les constats de la Cour des Comptes, NèreS propose une stratégie économique durable, qui prend en compte ces éléments pour garantir la pérennité et l’efficacité du système de santé.
Proposition 2 – Définir et promouvoir la pharmacie comme porte d’entrée pour les soins de premier recours
Face à un temps médical toujours plus précieux et à un engorgement des urgences, où 10 à 20% des visites concernent des pathologies bénignes peuvent être traitées par d’autres professionnels de santé (selon la Cour des Comptes), l’officine est un levier essentiel à activer, en renforçant et valorisant son rôle dans les soins de premier recours. En effet, elle offre un parcours de soins simple, efficace et peu couteux.
Par ailleurs, en réduisant les consultations pour des pathologies bénignes, les médecins et les urgences pourraient se concentrer sur les cas complexes.
Enfin, en faisant de l’officine la porte d’entrée pour les soins de premier recours, elle pourrait aussi agir en tant que filtre de pertinence de la téléconsultation médicale, répondant ainsi aux recommandations de la Cour des Comptes.
Proposition 3 – Adopter une politique volontariste en matière de délistage sans déremboursement
Le délistage de certains médicaments[2] permettrait aux pharmaciens de prendre en charge davantage de maux du quotidien. Pour rappel, seules 97 molécules sont disponibles à ce jour sans ordonnance en France loin derrière le Portugal (125 molécules), l’Espagne (131 molécules), l’Allemagne (135 molécules) ou le Royaume-Uni (146 molécules).
Le délistage et la communication associée sont l’occasion unique de rappeler aux patients les maux du quotidien pour lesquels l’officine peut offrir une solution de santé, ce qui réduirait le recours aux consultations médicales pour des affections mineures. Cette approche contribue à une meilleure gestion des ressources médicales et à une prise en charge rapide des patients.
Par ailleurs, un tel délistage (sans déremboursement) permettrait aux patients qui en auraient besoin le remboursement des médicaments qui leur auraient été prescrits lors d’une visite médicale, et pour les autres, la possibilité de se rendre directement en pharmacie pour obtenir un traitement identique à leur charge. En 2015, NèreS avait estimé que de tels délistages sans déremboursement génèreraient 330 millions d’euros d’économies pour la Sécurité Sociale (dont 100 millions € en médicaments et 230 millions € en consultations médicales évitées), et ce dès la première année de mise en œuvre.
« Cette nouvelle édition du Bulletin de Santé des Français révèle des défis majeurs pour le système de santé en France. NèreS appelle à une réforme en profondeur, basée sur une stratégie globale pour le premier recours, et sur l’utilisation du délistage sans déremboursement pour libérer du temps médical. Ces mesures sont essentielles pour garantir un accès équitable et efficace aux soins pour tous les Français » souligne Paul-François Cossa, Président de NèreS.
A propos de NèreS :
NèreS (anciennement Afipa) est l’organisation professionnelle qui représente les laboratoires pharmaceutiques produisant et commercialisant des produits de santé et de prévention de premier recours disponibles en pharmacie sans ordonnance (médicaments de prescription médicale facultative, dispositifs médicaux grand public et compléments alimentaires).
Le délistage est une décision réglementaire (de l’ANSM) qui conduit au passage du statut de médicament de prescription médicale obligatoire à celui de médicament de prescription médicale facultative (disponible en officine sans ordonnance).