Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne du 29 octobre au 8 novembre 2024. Échantillons de 3010 personnes représentatif des Français âgés de 16 ans et plus ; et de 213 professionnels de la santé, dont 104 médecins généralistes, 54 addictologues et 55 psychiatres et psychologues. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe (Français et généralistes), âge (Français et généralistes), catégorie socioprofessionnelle (Français) et région (Français et généralistes).
Paris, le 10 décembre,
Harris Interactive a réalisé à la demande d’Addict’AIDE une enquête destinée à dresser un état des perceptions des Français et des professionnels de santé sur le sujet des addictions en France.
Que retenir de cette enquête ?
La perception des addictions : une maladie et une souffrance en pleine expansion, et qui peut toucher n’importe qui
Des Français et des professionnels de santé qui associent les addictions à une maladie et à une souffrance dont il est difficile de sortir
Les trois dimensions que les Français associent le plus aux addictions sont l’impossibilité de s’arrêter (65%), l’obsession (58%) et la maladie (50%). En effet, trois quarts des Français (75% ; 79% chez les plus de 50 ans) considèrent que l’addiction est une maladie, tandis que seulement 24% ne le considèrent pas. Cette dimension est d’autant plus mise en avant par les professionnels de santé (74% associent l’addiction à la maladie), et notamment les plus jeunes (85% chez ceux qui pratiquent depuis moins de 10 ans).
Une maladie mais aussi une souffrance : le grand public (68%) et les professionnels de santé (88%) s’accordent sur le fait que ce terme est celui qui définit le mieux les addictions. Cependant, le grand public met fortement en exergue le sentiment de faiblesse (48% ; 57% chez les plus de 65 ans), contrairement aux praticiens, qui mettent davantage en avant la honte (42%), le tabou (35%) et le mensonge (32%).
Pour corroborer cette dimension de « souffrance », les Français considèrent que les addictions se développent pour justement atténuer une souffrance, combler un manque ou surmonter une faiblesse (67%), plutôt que par habitude ou par la répétition d’un comportement en apparence agréable (32%).
Une maladie et une souffrance auxquelles il est selon les Français très difficile de mettre fin (89% estiment que c’est difficile, dont 40% très difficile). Une opinion qui est d’autant plus marquée chez les professionnels de santé (97% estiment que c’est difficile, dont 57% très difficile).
Les addictions : une maladie qui progresse aux yeux des Français et des professionnels de santé
Pour le grand public (77%), comme pour les professionnels de santé (85%), les addictions sont un phénomène qui est en hausse. En effet, 91% des Français et 96% des praticiens estiment que de plus en plus de personnes souffrent d’addiction.
Même si certaines personnes sont plus exposées que d’autres, les addictions peuvent toucher n’importe qui
L’idée que les addictions peuvent toucher n’importe qui, même si certains sont plus exposés que d’autre, est largement répandue parmi les Français (respectivement 93% et 91% des répondants sont d’accord avec ces deux affirmations).
En effet, la plupart des Français estiment que les femmes et les hommes sont autant exposés aux addictions (77%), que ces dernières peuvent toucher toutes les tranches d’âge (45%) et tous les milieux de vie (69%). Cependant, un profil plutôt jeune (c’est-à-dire les 18-25 ans, pour 31% des Français), masculin (19% ; vs. 4% qui considèrent que les femmes sont plus exposées) et urbain (26% ; vs. 5% qui estiment que les ruraux sont plus exposés) émerge lorsque l’on se penche sur le profil le plus cité (un sentiment d’exposition qui est d’autant plus mis en avant par cette même population de jeunes hommes urbains). Une perception des Français qui est globalement juste, puisque ce profil est légèrement surreprésenté parmi les répondants ayant déclaré souffrir (ou avoir souffert) d’une addiction, par rapport à l’ensemble de la population française.
Enfin, selon les Français, le profil d’une personne touchée par l’addiction est avant tout celui d’une personne fragile psychologiquement (88% ; 92% chez les 50 ans et plus) et influençable (85% ; 90% chez les 50 ans et plus), souvent seules (74%) ou ayant des antécédents familiaux de dépendance (73%).
Les addictions : entre déni et tabou
Reconnaitre et accepter la maladie : principale difficulté identifiée par les Français et les professionnels de santé
Une large majorité des Français estiment que l’on ne se rend pas forcément compte lorsqu’on est atteint d’une addiction (84%), et que c’est l’entourage qui s’en rend compte en premier (78%).
En effet, selon les Français, reconnaitre la maladie et accepter d’être aidé constitue la principale difficulté à laquelle font face les personnes souffrant d’addiction (pour 63% d’entre eux). Une difficulté également largement mise en avant par les professionnels de santé (75%). Cependant, ces derniers mettent également en avant les difficultés à trouver la bonne structure (48%), le bon interlocuteur médical (47%) et le traitement adéquat (44%) pour les personnes concernées.
Enfin, selon les Français, la difficulté à admettre qu’un problème existe (92%) constitue l’un des principaux symptômes d’une addiction, avec l’isolement (91%) et bien sûr la consommation répétée de certains produits (94%). Globalement, les plus de 50 ans estiment davantage que la moyenne des Français que de nombreux comportements peuvent témoigner d’une addiction.
Les Français, les praticiens et les personnes atteintes d’addictions s’accordent sur la difficulté de parler de cette maladie, même avec des professionnels de santé
La majorité des Français et des praticiens estiment qu’il est difficile de parler d’un problème d’addiction à son entourage, et particulièrement en ce qui concerne l’axe enfants-parents. En effet, 86% des Français (89% chez les professionnels de santé) considèrent qu’il est difficile, voire très difficile (pour 49% d’entre eux) de parler d’un problème d’addiction à ses enfants, et 85% à ses parents (92% chez les professionnels de santé). Viennent ensuite les collègues de travail (81% pour le grand public, 85% pour les professionnels de santé).
Une opinion qui se vérifie lorsqu’on interroge les personnes concernées (ou ayant été concernées) par une addiction : la moitié d’entre elles (49%) déclarent avoir gardé cela pour eux, pour s’en sortir seules, et d’autant plus en ce qui concerne les hommes (53%) et les 16-24 ans (59%).
Une communication difficile avec les proches, mais aussi avec les professionnels de santé : seulement 42% des répondants ayant déclaré souffrir (ou avoir souffert) d’une addiction affirment avoir consulté un professionnel de santé, et un tiers (34%) avoir eu un suivi et potentiellement reçu un traitement.
Le sexe (pratique compulsive, consommation excessive de pornographie, pratique sous l’effet de drogues, …) et les jeux (jeux vidéo, jeux d’argent et de hasard) apparaissent comme les addictions pour lesquelles ceux qui en souffrent déclarent avoir le plus de difficultés à en parler à leurs proches, mais également à un professionnel de santé.
Tabac, alcool et drogue : des produits qui symbolisent les addictions, à la fois nocifs et addictifs
Des Français qui associent spontanément les addictions au tabac, à la drogue et à l’alcool
La drogue, l’alcool et le tabac / la cigarette sont les premiers termes qui viennent spontanément à l’esprit des Français lorsqu’ils pensent à l’addiction, suivi des jeux d’argent et de la notion de dépendance. Ce sont également les termes qui ressortent le plus lorsqu’on leur demande quels sont tous les produits ou les comportements qui représentent à leurs yeux des addictions (55% des Français citent spontanément l’alcool, 52% les drogues et 45% le tabac ou les cigarettes).
Des Français qui considèrent que la nocivité d’un produit est proportionnelle à son niveau d’addictivité
Ces produits apparaissent aux yeux des Français comme étant les plus nocifs pour la santé, mais aussi les plus susceptibles de provoquer un risque d’addiction élevé.
En effet, les drogues réputées « dures » (cocaïne, crack, héroïne, drogues de synthèse, produits hallucinogènes) arrivent en tête en matière de risque d’addiction et de niveau de nocivité, avec le tabac, l’alcool, mais aussi le cannabis. Le cannabis apparait par ailleurs comme la seule drogue pour laquelle ceux déclarant souffrir d’une addiction sous-estiment le niveau de nocivité et le risque de dépendance liés à celle-ci, en comparaison avec l’ensemble des Français.
Une part importante de la population qui déclare souffrir d’addictions, essentiellement le tabac et l’alcool
Sur les 28% de l’échantillon affirmant souffrir (ou avoir souffert) d’une addiction (32% chez les hommes, 35% chez les 16-34 ans et 33% chez les CSP-), la majorité d’entre eux (57% ; 72% chez les plus de 50 ans) déclarent avoir une addiction au tabac. Viennent ensuite l’alcool (23% ; 30% chez les plus de 50 ans), puis les écrans (16% ; 31% chez les 16-34 ans) et le cannabis (15% ; 23% chez les 25-34 ans).
4 Français sur 10 déclarent également avoir dans leur entourage une personne qui souffre d’addictions, dont la moitié parmi leur famille.
Des Français moyennement informés et relativement démunis face à la maladie
Les addictions : des Français qui déclarent un niveau d’information très relatif
Certaines idées reçues sur les addictions sont encore largement répandues dans l’esprit des Français, en particulier le fait qu’il existe des drogues douces et des drogues dures (selon 76% d’entre eux) ou que boire un verre de vin par jour est bon pour le cœur (42%, 49% chez les plus de 50 ans).
Un déficit de connaissance corroboré par le niveau d’information des Français sur le sujet : tout juste 62% estiment être bien informés sur les addictions, dont seulement 10% très bien informés.
Un niveau d’information perfectible qui se confirme dans le détail : entre 4 et 6 Français sur 10 déclarent être bien informés sur les différents aspects liés aux addictions, mais seulement 1 sur 10 de manière claire. Le nombre de personnes concernées en France (28% estiment être bien informés sur le sujet), la manière dont sont prises en charge les addictions (43%) ou encore les aides à dispositions (44%) apparaissent comme les aspects les moins connus. Globalement, les plus jeunes estiment être mieux informés que la moyenne des Français.
De plus, les Français déclarent mal connaitre les causes et les effets liés aux différents types d’addictions, et tout particulièrement en ce qui concerne le protoxyde d’azote (67% déclarent mal connaitre), la pratique excessive du sport (66%) et le sexe (65%).
Des Français qui se montreraient à la fois démunis et impliqués, s’ils étaient confrontés aux addictions
1 Français sur 2 (50%) estime qu’il ne saurait pas à qui s’adresser en priorité dans le cas où une personne de leur entourage souffrirait d’une addiction, avec une proportion à peine inférieure (44%) chez les personnes qui déclarent avoir un proche dans cette situation.
Même si 40% des Français déclarent qu’ils seraient principalement « impliqués » si un proche souffrait d’une addiction, un quart (25%) estiment qu’ils seraient avant tout « démunis », et d’autant plus chez les plus âgés (31% des plus de 50 ans).
Des addictions mieux prises en charge qu’avant, mais des efforts encore attendus, surtout du côté des pouvoirs publics
Une prise en charge des addictions meilleure que dans le passé, mais encore insuffisante, avec des pouvoirs publics montrés du doigt
Pour la moitié des Français (52%) et des professionnels de santé (54%) interrogés, les addictions sont mieux prises en charge que par le passé, un sentiment notamment présent chez les personnes souffrant (ou ayant souffert) d’addiction (56%).
Néanmoins la majorité des Français jugent insatisfaisante la prise en charge des différents aspects liés aux addictions, et tout particulièrement la prise en charge financière (59% jugent cette dimension insatisfaisante) et le nombre de professionnels de santé (59%) pouvant prendre un charge cette maladie. Ce dernier aspect est encore plus décrié par les professionnels de santé (77% sont insatisfaits).
L’un des principaux responsables désignés de cette prise en charge perfectible est l’Etat : 64% des Français et 79% des praticiens estiment que le sujet des addictions est mal pris en compte par les pouvoirs publics à l’heure actuelle. De plus, ces derniers apparaissent également comme l’acteur en qui Français et professionnels de santé font le moins confiance pour agir efficacement en faveur de la lutte contre les addictions (respectivement 41% et 36% de taux de confiance).
Concernant leur propre rôle dans la lutte contre les addictions en France, les professionnels de santé se montrent particulièrement partagés et très nuancés : 56% estiment qu’ils prennent bien en compte le sujet aujourd’hui, mais seulement 4% qu’ils le prennent « très » bien en compte. Les médecins généralistes sont les plus critiques (49% estiment que le sujet est bien considéré par les praticiens).
Des outils de lutte contre les addictions nombreux et variés, mais encore relativement peu mobilisés
Les outils et structures de lutte contre les addictions les plus connus auprès des Français sont les cures de sevrages (82% en ont déjà entendu parler), les associations (82%) et les lignes d’écoute (80%). Du côté des professionnels, la plupart des outils bénéficient d’un excellent niveau de connaissance, les seules exceptions étant les outils en ligne tels que les forums (34% connaissent très bien) ou les réseaux sociaux (35%).
Les consultations en addictologie à l’hôpital (24%) et les cures de sevrage (22%) arrivent en tête des outils mobilisés par les Français confrontés à l’addiction, bien qu’aucune structure ne soit particulièrement mise en avant. Du côté des professionnels, les structures les plus conseillées sont les consultations d’addictologie à l’hôpital (49% en ont souvent recours), ainsi que les CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie ; 48% en ont souvent recours).
Augmenter le nombre de praticiens et de structures spécialisées, et simplifier l’accès au dépistage et au traitement : principaux leviers identifiés dans la lutte contre les addictions
Les mesures de lutte contre les addictions les mieux identifiées par les Français sont l’interdiction aux mineurs (82% en ont entendu parler) et l’interdiction de l’usage des substances psychoactives au volant (81%). A l’inverse, les programmes pédagogiques qui permettent de renforcer chez les enfants et les adolescents leurs compétences psychosociales sont bien moins connus (55%), même auprès des professionnels de santé (24% savent précisément ce dont il s’agit).
Les Français n’émettent pas d’avis tranchés quant à l’efficacité des différentes mesures ayant pour but d’améliorer la prévention et la lutte contre les addictions. Du côté des professionnels de santé, les mesures qui apparaissent comme étant les plus efficaces sont l’accès rapide au dépistage et au traitement (74%, dont 22% de très efficace), ainsi que l’augmentation des prix des produits addictifs (60%, dont 22% de très efficace).
Enfin, l’augmentation du nombre de structures et de professionnels de santé spécialisés est jugée comme le moyen de lutte contre les addictions le plus prioritaire pour les Français (51%) et par les professionnels de santé (67%). Ces derniers mettent également particulièrement en avant le renforcement de la prévention (54%).