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Les Français et l’emploi de la langue française

Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne du 13 au 14 novembre 2024. Échantillon de 1159 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

Paris, le 10 avril,

A l’occasion des 30 ans de la loi Toubon et à la demande du Ministère de la Culture, Toluna Harris Interactive a réalisé une enquête portant sur le rapport qu’entretiennent les Français avec la langue française aujourd’hui, et plus précisément sur leur perception de la présence de mots et d’expressions issus de langues étrangères comme l’anglais dans l’espace public. Cette enquête interrogeait également les Français sur leur perception de la loi Toubon et de sa capacité à s’adapter au contexte actuel.

Que retenir de cette enquête ?

Un attachement fort des Français à leur langue, dans un contexte ou d’autres mots et expressions étrangères s’imposent dans l’espace public

Les Français entretiennent une relation forte à leur langue commune. Spontanément décrite comme belle mais complexe, riche mais difficile, ils estiment également en majorité que c’est une langue qui évolue constamment (81%), qui a une place importante dans le monde (77%) et qui est moderne (76%). Plus d’1 Français sur 2 estime par ailleurs que c’est une langue « menacée », un terme fort mais qui vient illustrer le rapport des Français à cette langue et à sa place dans le monde actuel.

Un des enseignements majeurs de cette étude réside également dans la perception très opposée qu’ont les jeunes générations et les plus anciennes. Si les deux s’accordent à dire majoritairement que la langue française est belle, le sentiment que cette langue est « très belle » varie presque du simple au double entre la catégorie des 18-24 ans (46%) et celle des 65 ans et plus (70%). L’écart est également très impressionnant concernant la perception d’une menace qui pèserait sur la langue française : 40% des 18-24 ans et 45% des 25-34 ans estiment qu’elle est menacée contre 64% des 65 ans et plus.

Ce renversement de perception à mesure que l’on remonte les générations, qui se trouve rarement aussi prononcé dans les enquêtes d’opinion, se retrouvera tout au long des résultats de cette enquête.

Cela étant dit, la présence de mots ou expressions issus de langues étrangères comme l’anglais dans l’espace public apparaît comme une évidence pour les Français (90% le constatent), qui estiment très largement que leur présence a augmenté au cours des 10 dernières années (83%), voire « beaucoup augmenté » pour un Français sur deux. Notons ici que les plus jeunes se distinguent du reste de la population (et même déjà des 25-34 ans) en faisant un constat nettement moins affirmatif (69%).

La présence de mots et expressions issus de langues étrangères suscite des réactions fortement clivées

La présence de mots et d’expressions issus de langues étrangères suscite des réactions partagées au sein de la population : 1 Français sur 4 y voit une bonne chose (1 sur 2 parmi les moins de 35 ans) contre 38% une mauvaise chose (plus d’1 sur 2 parmi les 65 ans et plus), 37% exprimant un sentiment neutre. Un clivage qui se retrouve dans les raisons de considérer cela positivement ou négativement.

Les Français considérant que l’utilisation de mots ou expressions issus de langues étrangères est une bonne chose évoquent principalement le fait de s’adapter à une société mondialisée (90%), à la modernité (88%) et à l’évolution de la langue (88%), mais également à l’aspect amusant (88%) et aux nouvelles possibilités que cela offre pour s’exprimer (82%).

Les Français estimant que l’utilisation de mots ou expressions issus de langues étrangères est une mauvaise chose évoquent en revanche le sentiment que cela est inutile (95%), voire que cela fragilise la langue (92%), chacune de ces affirmations étant soutenue avec force (plus d’1 Français approuvant « tout à fait » ces affirmations). Une grande majorité d’entre eux indiquent également que cela contribue à menacer la culture française (93% dont 61% de « tout à fait »).

Plus précisément, l’utilisation de mots ou expressions en anglais dans un message publicitaire conduit à des réactions très clivées : un peu moins d’1 Français sur 2 indique avoir une réaction de gêne voire de colère (45% et surtout 70% des 65 ans et plus) quand près d’1 Français sur 5 indique que cela lui plait (19%, mais 38% auprès des 18-24 ans).

Concrètement, lors d’un achat d’un produit ou d’un service, les Français indiquent en majorité être gênés dans leur achat lorsqu’ils sont confrontés à une situation où des informations (composition du produit, frais de livraison, mode de paiement, notice ou mode d’emploi) ne sont disponibles qu’en anglais ou mal traduites. 1 Français sur 2 indique même que cela peut compromettre leur achat.

Si le français est une langue appréciée de tous et reconnue pour sa richesse comme pour sa complexité, nos concitoyens se montrent ainsi partagés concernant sa place dans la société actuelle et vis-à-vis des autres langues présentes dans l’espace public.

Une perméabilité bien plus forte des mots et expressions issus de l’anglais dans le cadre professionnel

Interrogés sur leurs habitudes de travail, 3/4 des actifs indiquent qu’il leur arrive d’être confrontés, même rarement, à une situation demandant à utiliser l’anglais dans le cadre de leur travail, que ce soit en ayant à communiquer directement dans une autre langue (69% indiquent que cela leur arrive même rarement), ou en recevant des communications de la part de l’entreprise (67%). Notons par ailleurs que près d’1 actif sur 3 déclare se trouver dans une de ces situations souvent ou systématiquement.

Une grande porosité du milieu du travail avec les langues étrangères qui produit des effets contrastés : une moitié d’entre eux indiquent en effet être gênés dans cette situation du fait de leur mauvaise maîtrise de ces langues, une autre moitié n’y voyant au contraire pas de problème.

De manière plus concrète, 7 Français actifs sur 10 estiment entendre, ou utiliser eux-mêmes, des mots ou expressions issus de langues étrangères dans leur environnement de travail quotidien, une habitude plus poussée encore auprès des jeunes et au sein des catégories supérieures (3/4 dans ces populations).

A l’inverse de ce qu’on l’on observait concernant les messages publicitaires, les actifs estiment plutôt que le fait d’être confrontés à l’emploi de mots ou expressions issus de langues étrangères dans le cadre professionnel (que l’on « forwarde » un mail, que l’on « pitch » un projet ou même que l’on présente une « slide ») n’est pas spécialement utile mais ne compromet pas l’efficacité du travail (50%), voire que cela est nécessaire dans le cadre de leur activité (12%). 1/3 estime néanmoins que cela peut perturber (26%) voire nuire à la communication (11%) et avoir des répercussions sur le travail.

Des services publics et des entreprises publiques attendus au tournant concernant l’utilisation du français

On l’a vu, l’utilisation de mots ou expressions issus de langues étrangères est perçue dans tous les secteurs de la société, et les services publics et entreprises publiques n’échappent pas à la règle, une majeure partie des Français indiquant le constater au moins de temps en temps, qu’il s’agisse des communications diffusées à destination du public par ces organismes (52%), dans leurs échanges administratifs (41%) voire dans leurs échanges directs avec les agents et salariés (43%).

Quand cela se traduit concrètement par l’utilisation de mots ou expressions en anglais dans leurs messages ou slogans (comme « OnlyLyon » ou « Ma French Bank (La Banque Postale) la réaction des Français est comme dans les autres domaines abordés, majoritairement négative. 2/3 indiquent être agacés ou bien gênés pour comprendre le message, une proportion plus importante encore auprès des 50 ans et plus.

Sans surprise donc, 9 Français sur 10 estiment qu’il est indispensable que les services publics s’adressent aux usagers en français dans leur communication, la moitié estimant même que cela est « tout à fait indispensable ». Si cette affirmation est unanimement reçue auprès des plus de 50 ans (55% des 50-64 ans indiquent que cela est tout à fait indispensable et même 73% des 65 ans et plus), la perspective est tout autre auprès des jeunes générations. S’ils estiment dans l’ensemble que les services publics et entreprises publiques s’adressent à eux en français, seuls 20% des 18-24 ans estiment que cela est « tout à fait indispensable ».

30 ans après son adoption, la loi Toubon est perçue comme utile et d’actualité, bien que ses modalités d’application pourraient être mieux adaptées

Plus d’1 Français sur 2 indique avoir déjà entendu parler de la loi Toubon, un résultat élevé pour une loi promulguée il y a 30 ans et qui illustre le fait que cette loi semble en partie passée dans le langage courant (bien que seuls 17% indiquent savoir de quoi il s’agit). Une loi dont les dispositions une fois présentées aux Français sont perçues pour une grande majorité comme étant indispensables, voire « tout à fait indispensables » pour plus d’1 Français sur 2 (davantage encore parmi les 50 ans et plus). De manière générale, 9 Français sur 10 estiment également que la loi Toubon permet d’assurer l’égalité entre les citoyens et de renforcer la cohésion de la Nation.

Néanmoins les Français se montrent un peu plus partagés concernant l’efficacité de cette loi pour garantir l’utilisation du français dans un certain nombre de domaines. Si 3 Français sur 4 estiment que cette loi est efficace dans l’administration est dans l’enseignement (mais seulement 1/4 qu’elle est « très efficace »), seuls 6 Français sur 10 estiment qu’elle l’est dans l’information aux consommateurs et dans les entreprises, tandis que moins d’1 Français sur 2 considère que cette loi est efficace dans le domaine de la publicité.

Comme pour beaucoup de questions qui précèdent, l’efficacité perçue de la loi Toubon se trouve traversée par de forts clivages générationnels. Les plus jeunes indiquent ainsi que cette loi est majoritairement efficace dans l’ensemble de ces domaines tandis que les plus âgés sont plus critiques, que ce soit en matière d’information aux consommateurs (moins d’1 Français sur 2 âgé de 65 ans et plus estime qu’elle est efficace), dans les entreprises et notamment en ce qui concerne la publicité (seuls 28% des 65 ans et plus estiment que cette loi est efficace).

Ce constat étant fait, les Français se prononcent plutôt pour un renforcement à l’avenir des dispositions de cette loi pour les acteurs qui ne le respecteraient pas (63%), contre 19% considérant qu’il faudrait rendre cette loi moins contraignante et 17% qu’il faudrait la conserver en l’état. Illustration des enseignements de cette enquête il serait intéressant d’observer l’évolution à l’avenir de la position des jeunes générations sur ces enjeux, afin de distinguer un effet d’âge ou de génération. A l’heure actuelle la tranche 18-24 ans se positionne ainsi majoritairement pour que cette loi soit moins contraignante (42%), 1/3 seulement souhaitant un renforcement de cette loi. A l’autre bout du spectre générationnel, 8 Français sur 10 âgés de 65 ans et plus estiment contrario que cette loi devrait être plus contraignante.