Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne du 20 au 25 mars 2024. Échantillon de 1 015 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).
Paris, le 3 avril,
Toluna Harris Interactive et Séance Publique ont lancé en début de législature leur « Observatoire Parlement », une étude barométrique qui permet de comprendre comment les Français suivent et s’approprient l’actualité du Parlement, de ses textes et de ses forces politiques. Cette sixième vague d’enquête intervient alors que l’actualité parlementaire est relativement éclipsée par les conflits russo-ukrainiens et entre Israël et le Hamas. Alors que le Président de la République avait annoncé en début d’année sa volonté d’avoir davantage recours à la voie réglementaire, cette vague s’intéresse à la perception de cette dernière par les Français.
Que retenir de cette enquête ?
Dans un contexte de crise internationale les Français ont une image mitigée des différents groupes parlementaires
Comme lors des précédentes mesures, le travail des différents groupes parlementaires ne recueille la satisfaction que d’une minorité de Français, une satisfaction en retrait de manière globale par rapport à la dernière mesure. Entre conflits internationaux et calme relatif des débats au parlement, l’actualité parlementaire restituée par les Français est dominée ce mois-ci par l’inscription de l’IVG dans la Constitution, le vote de l’accord sur le soutien à l’Ukraine ainsi que par le rejet de l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA) par le Sénat.
Dans ce contexte les parlementaires du Rassemblement National restent ceux dont le travail est perçu le plus positivement (37%, -1) devant les parlementaires Horizons (35%, -1), Renaissance (30%, -2), LR (30%, -3) et socialistes (30%), ces derniers étant les seuls à bénéficier d’une dynamique positive depuis la précédente vague (+3 points).
Comme depuis le début de cette mesure les Insoumis recueillent le plus faible niveau de satisfaction (18%, soit -9 points depuis le début de la législature). Les Insoumis restent malgré tout considérés comme un des deux groupes parlementaires s’opposant le mieux au gouvernement au sein du Parlement (24%, -3), juste derrière les élus du RN (38%, +4). On note néanmoins un recul régulier de cette perception des Insoumis comme premiers opposant au gouvernement depuis un an (32% en avril 2023 contre 24% lors de cette mesure, soit un recul de 8 points), tandis que le RN se trouve à un niveau stable depuis le début de cette mesure.
Les Français attendent une posture constructive de la part des députés avec l’ensemble des forces politiques en présence
Nous l’avons vu dans de précédentes mesures de l’Observatoire Parlement[1], les Français attendent majoritairement une posture d’ouverture de la part du gouvernement, mais également une opposition constructive de la part des groupes parlementaires de tous bords.
Interrogés sur la position que devraient adopter les députés vis-à-vis des propositions de loi portées par le RN, les Français considèrent en majorité que les groupes parlementaires devraient décider au cas par cas de voter ou de s’opposer à ces propositions (65%), seule une minorité souhaitant que les députés non-RN s’opposent systématiquement à ces propositions. Un avis partagé auprès de l’ensemble des sensibilités politiques, y compris à gauche (65% des sympathisants Ecologistes estimant que les députés doivent examiner leurs propositions au cas par cas, 61% des proches du PS et même 1 sympathisant des Insoumis sur 2), et parmi les proches de la majorité (72% se déclarant pour une posture d’ouverture contre 23% pour une opposition systématique).
De la même façon, les Français estiment majoritairement que les députés devraient examiner au cas par cas les propositions des députés Insoumis (65%), une position attendue par les proches de formations politiques de gauche mais également par les proches de la majorité présidentielle (63%), des LR (58%) et même du RN (58%). Notons que l’attente d’une opposition systématique aux propositions LFI est un peu plus élevée (22%) qu’à celles du RN (16%), en ligne avec les niveaux de satisfaction mesurés envers le travail de ces parlementaires.
Les Français portent un regard mitigé sur l’utilisation de la voie réglementaire pour faire adopter des réformes
Interrogés sur l’origine des textes de loi soumis au vote des parlementaires, les Français estiment en majorité qu’ils ont été proposés par le gouvernement au cours de l’année qui s’est écoulée (53%), tandis que 20% d’entre eux estiment qu’ils ont avant tout été proposés par les parlementaires et 25% dans les mêmes proportions par le gouvernement et les parlementaires. Une perception assez éloignée de la répartition du nombre total de textes soumis au vote des députés[2] (lors de la session 2022-2023, sur 840 textes soumis au vote des députés, 781 étaient des propositions de loi émanant des parlementaires), mais bien plus proches de la réalité du nombre de projets et propositions de lois finalement adoptés : sur la même période 38 projets de loi (émanant du gouvernement) ont été adoptés contre 29 propositions de loi (portées par les parlementaires).
Alors qu’Emmanuel Macron annonçait en début d’année vouloir recourir davantage à la voie réglementaire pour faire adopter les réformes, les Français se montrent plutôt en faveur de l’utilisation de la voie législative afin de permettre un débat à l’Assemblée (70% pour l’utilisation de la voie législative, 28% privilégiant la voie réglementaire). Il est à noter que le fait de privilégier la voie législative est partagé majoritairement par les sympathisants de l’ensemble des formations politiques, y compris les proches d’Ensemble.
Cependant, lorsqu’on leur présente en détail certains textes à venir, le regard des Français s’équilibre un peu, avec une propension un peu plus élevée bien que toujours minoritaire, à l’utilisation de décrets et de circulaires pour faire adopter le projet de loi sur l’agriculture (40% seraient favorable à la voie réglementaire) ou le projet de loi en direction des commerçants par exemple (41%). Ils se montrent en revanche majoritairement en faveur d’un débat à l’Assemblée nationale pour les textes de loi sur la responsabilité pénale et la réponse pénale pour les mineurs, sur la fonction publique et plus encore pour le texte sur la fin de vie.
Des Français toujours partagés quant à une éventuelle dissolution, qui leur parait de moins en moins probable
La situation de majorité relative à l’Assemblée nationale reste majoritairement perçue comme étant une bonne chose (61%, -3) par les Français, bien qu’en recul constant (-10 points depuis la première mesure d’octobre 2022).
Cependant, pour la première fois depuis le début de cette mesure, moins d’1 Français sur 2 estime que le Président de la République doit dissoudre l’Assemblée nationale (45%).
Bien que les sympathisants LFI et RN se montrent plus favorables à cette possibilité on note que pour l’heure on ne trouve de fervent défenseurs d’une dissolution auprès d’aucune famille politique, et l’on observe même un recul global prononcé depuis un an.
Moins d’1/4 des Français se montrent d’ailleurs aujourd’hui convaincus qu’Emmanuel Macron va utiliser son droit de dissolution de l’Assemblée nationale au cours des prochains mois (24%, -5), une opinion en baisse continue depuis janvier 2023 (-14 points).
Dans ce contexte, si de nouvelles élections législatives avaient lieu, seule une courte majorité de Français souhaiteraient que Renaissance et ses alliés disposent d’une majorité à l’Assemblée nationale (47%, -5 points). A noter que les sympathisants de la majorité présidentielle se montrent toujours aussi partagés, seuls 49% d’entre eux indiquant souhaiter qu’elle dispose d’une majorité absolue au sein de l’Assemblée.
Cette nouvelle mesure nous montre des Français attachés à une position constructive des parlementaires dans l’écriture et le vote de la loi. Dans ce contexte il est intéressant de noter que des formations comme LFI et le RN ne semblent pas agir comme des repoussoirs pour les Français et que les députés devraient pouvoir voter au cas par cas leurs propositions.
Cela étant dit, cette position d’ouverture est également attendue de la part du gouvernement, dont les Français attendent plutôt l’utilisation de la voie législative pour faire adopter les réformes plutôt que la voie réglementaire, une position partagée aussi bien par les proches de formations politiques de l’opposition que par ceux de la majorité présidentielle.